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Chlordécone : je fais le test !

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Suis-je contaminée à la chlordécone ? J’ai, comme tout le monde, bu de l’eau du robinet, mangé des racines et du poisson, été me baigner à la rivière, respiré l’air censé pur de la Guadeloupe. Alors, c’est décidé, je vais faire le test ! Pour savoir.

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La chlordécone aux Antilles

La chlordécone, un composé organochloré de synthèse, a été utilisé aux Antilles dans les années 1970 pour lutter contre le charançon du bananier, et jusqu’en 1993. Si la pollution des sols et la contamination de la faune sauvage a été caractérisée début 1980, ce n’est qu’au début 2000 qu’on s’est aperçu que la pollution touchait aussi les eaux, y compris celles destinées à la consommation humaine ainsi qu’aux denrées alimentaires locales. La pollution des sols à la chlordécone persiste car elle résiste à la dégradation. Les populations continuent donc à y être exposées.

Aujourd’hui, un particulier peut tester son taux de chlordécone sanguin. Il suffit pour cela de se rendre dans un laboratoire de biologie médicale et d’y réaliser une simple prise de sang. Le prélèvement partira ensuite pour l’Hexagone où il sera analysé et le taux de contamination à la chlordécone évalué. Si le prélèvement est fait sur place, les analyses, elles, ne le sont pas, non faute de compétences, mais de machines et automates nécessaires à cette investigation. « Il faut un équipement particulier. La technique utilisée est de la chromatographie en phase liquide, couplée à de la spectrophotométrie de masse. Le jour où l’Assurance maladie remboursera ce test et qu’on aura suffisamment de demandes prises en charge, on pourra envisager de faire les investissements nécessaires », explique Patricia Tamby, pharmacienne biologiste.Faible volume de demandes ? Pourtant, je suis sûre que cela intéresse de nombreux Antillais de savoir où ils en sont avec cet ennemi public numéro 1. Le hic ? Si vous voulez réaliser ce test, il vous en coûtera environ 142 euros. Et s’il ne nécessite pas de prescription médicale, il n’est malheureusement pas encore remboursé par l’Assurance maladie, même si on annonce qu’il le sera très prochainement (voir encadré).

Test gratuit : où en est le législateur ?

Un amendement déposé le 17 décembre 2019 par les députés lors de la lecture du projet de la nouvelle loi de finances 2020 prévoit que les populations de Martinique et de Guadeloupe bénéficient d’un dépistage gratuit de la chlordécone. Cet amendement reprend celui adopté début décembre par le Sénat qui prévoit la majoration de 2 millions d’euros des crédits 2020 prévus pour lutter contre l’exposition des populations antillaises à la chlordécone. L’État est « le premier responsable » de la pollution au chlordécone, selon le rapport d’une commission d’enquête parlementaire présenté fin novembre 2019, qui a demandé des « réparations ».

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Peu compréhensible

Pas besoin d’être à jeun pour réaliser le prélèvement. Je n’aime pas les prises de sang, mais c’est pour la bonne cause. Constitution du dossier médical. La secrétaire m’apprend que je suis la première dans ce laboratoire à réaliser le test qui est pourtant proposé depuis février 2019. L’infirmière me prélève deux tubes. Il ne faut que 3 ml de sérum pour l’analyse. Résultat prévu dans 2 à 3 semaines. 3 semaines plus tard, je me retrouve à la tête d’un document un peu hermétique pour moi qui n’ai pas de compétences médicales particulières. Les analyses ont été réalisées par le Service de pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance du CHU de Limoges. Je lis : recherche et dosage de pesticides organochlorés dans le sérum/plasma. Présence de 4,4 –DDE : 0.177µg/l. Je suis juste au-dessus de la moyenne des Guadeloupéens de 0,14 µg/l (voir encadré). Dans une volumineuse parenthèse, technique et peu compréhensible, on m’explique que le DDT n’a pas été détecté dans cet échantillon (je me sens du coup en très bonne santé !). Quant au DDE, ma fameuse concentration de 0,177 µg/l semble totalement ridicule au regard de ce qu’on m’écrit : « Pour la population américaine, la concentration sérique moyenne en DDE est de 1,45 µg/l ». Je suis rassurée. Ce n’est pas tout. J’ai aussi un taux de PCP de 0,318 µg/l. Là, on m’explique : le PCP est non seulement un pesticide commercial mais aussi un produit de dégradation de plusieurs pesticides et ses concentrations retrouvées dans l’urine de la population générale n’excèdent pas 5 µg/l. Mon taux à moi est donc ridicule. Bien. Mais au juste, ça veut dire quoi ?

Manque d’études

J’avoue que je suis un peu désappointée. Est-ce grave d’avoir (un peu) de chlordécone dans l’organisme ? À partir de quel taux cela peut-il impacter ma santé ? Puis-je développer un jour des troubles du fait de la présence, même faible, de chlordécone dans mon sang ? Peut-on dire que je suis contaminée ? Puis-je me décontaminer ? La lecture de différents articles sur internet ne me permet pas de trouver de réponses. Les médecins eux-mêmes pataugent un peu, faute d’études et de données épidémiologiques. Les remarques de la biologiste Patricia Tamby font écho aux miennes : « Les résultats ne sont pas forcément lisibles pour le grand public. Les études et le recul n’existent pas. Quelles sont les conséquences exactes du taux dans le sang ? La grille de lecture des risques n’existe pas non plus. À ma connaissance, il n’y a pas localement d’études de cas ni de mesures systématiques du taux de chlordécone sanguin réalisées par les oncologues sur leurs patients. Cela permettrait pourtant d’avancer dans la connaissance des effets du chlordécone sur la santé. » Ce sont sans doute les limites actuelles de ces analyses : obtenir un taux. Et se débrouiller avec.

90 % de la population

Un bilan des contaminations a été dressé par l’Anses (Évaluation des expositions au chlordécone et autres pesticides, octobre 2018). On sait donc que dans la population de Martinique et de Guadeloupe, la chlordécone est détectée chez plus de 90 % des individus, avec des niveaux contrastés. Ainsi, 5 % des personnes ont une imprégnation au moins dix fois plus élevée que l’imprégnation moyenne en Martinique et en Guadeloupe de 0,14 et 0,13 µg/l. Les personnes les plus exposées sont les consommateurs de poisson d’eau douce et de mer (pêche amateur), de volailles et d’œufs issus d’élevages domestiques en zone contaminée, de légumes racines et tubercules issus des jardins familiaux en zone contaminée… Et bien sûr les ouvriers agricoles.

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