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Soufrière : peut-on prédire une éruption ?

Steam rising from the crater La Soufriere volcano the highest mountain in Guadeloupe, French department in Caribbean

La Soufrière est un volcan actif qui a connu une augmentation d’activité ces dernières années. Si les éruptions sont généralement précédées de signaux précurseurs, ce n’est pas toujours le cas. Le volcan est donc, plus que jamais, sous surveillance continue et de nouvelles techniques d’observation doivent être élaborées.

Le 27 avril 2018, aux alentours de 20 h, la terre a tremblé. Un séisme de magnitude 4,1 (échelle de Richter) largement ressenti dans le sud Basse-Terre. La particularité de ce séisme ? Son origine volcanique. Mais surtout, il s’agissait du plus fort séisme volcano-tectonique jamais ressenti depuis la crise éruptive de la Soufrière en 1976. De quoi donner des sueurs froides aux habitants des villes situées au pied du volcan. Car, on a tendance à l’oublier, mais cette dame (pas si vieille) qui fait partie de notre paysage, est un volcan actif. Et comme tous les volcans actifs, son destin est, inexorablement, d’entrer un jour en éruption. 

Vigilance jaune

Malheureusement, à la question : « Peut-on prédire la prochaine éruption ? », « La réponse est non, insiste Roberto Moretti, directeur de l’Observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe. Il est impossible aujourd’hui de prédire quand une éruption aura lieu. Les connaissances disponibles permettent de faire des prévisions, donc de donner des probabilités sur quelques mois, quelques années ou des dizaines d’années. Pour le moment, la probabilité qu’une éruption survienne à très court terme, dans les semaines ou les mois qui viennent, demeure extrêmement faible. Mais on parle bien de « probabilité », ce qui par définition implique le manque de certitude. » En fait, le niveau de vigilance actuel (jaune) est le même depuis plus de 25 ans. Et depuis 1992, l’activité du volcan a peu à peu augmenté pour atteindre son niveau le plus élevé en 2018. Les scientifiques ont d’ailleurs un mot pour définir cette variation du niveau d’activité d’un volcan par rapport à son activité de base, l’unrest. Un phénomène qui peut conduire à une éruption… ou pas. Car si toutes les éruptions sont précédées d’épisodes d’unrest, un phénomèned’unrest n’aboutit pas forcément à une éruption. Le problème, c’est que les liens de causalité entre les processus souterrains emmenant à une éruption et les signaux d’unrest ne sont pas toujours directs, ce qui génère une incertitude importante. 

Éruption

En outre, l’incertitude porte sur la nature de la prochaine éruption. Magmatique (avec une remontée de magma depuis les profondeurs, comme à Montserrat. C’est la plus redoutée) ou phréatique (projections de vapeur d’eau, de gaz, de cendres, comme en 1956 et en 1976). En effet, l’activité hydrothermale de la Soufrière rend ce volcan très complexe à étudier. Le système hydrothermal, c’est l’eau circulant dans le sous-sol et chauffée par la chaleur du volcan. « Celui-ci fonctionne comme une sorte d’écran, explique Roberto Moretti, en émettant des signaux (physiques et chimiques) qui viennent masquer le signal de ce qui se passe beaucoup plus en profondeur, au niveau de la chambre magmatique. Le défi est donc d’interpréter ces signaux, afin de comprendre la dynamique du volcan et l’origine de l’unrest  : magmatique ou hydrothermal. » L’objectif est également de détecter et mesurer les plus subtiles variations dans les signaux, notamment ceux qui peuvent être précurseurs d’une éruption phréatique, le type d’éruption le plus fréquent sur la Soufrière. Dans ce type d’éruption, bien moins puissante qu’une éruption magmatique, le magma n’est pas impliqué directement (il demeure en profondeur comme source de chaleur) et c’est le système hydrothermal qui est mis en jeu. Or, celui-ci est proche de la surface. Une éruption phréatique pourrait donc se produire de façon soudaine, avec des signaux précurseurs très faibles. D’où l’importance de pouvoir mesurer et identifier ces signaux subtils. 

Sous monitoring

Afin d’enregistrer l’ensemble de ces signaux, le volcan est, un peu comme un « malade à l’hôpital », monitoré en continu. D’une part avec le réseau de sismomètres, d’autre part avec des réseaux de capteurs (GPS…) permettant de mesurer les déformations du massif volcanique (de l’ordre de quelques millimètres par an). Enfin, avec l’étude géochimique du système hydrothermal (relevés, analyses chimiques et thermiques au niveau des fumerolles, des sources…). Un projet en cours de développement, consiste même à « prendre la température » du volcan, en installant des capteurs thermiques permanents à son sommet. L’idée ? Évaluer et mesurer le flux thermique du volcan, c’est-à-dire la quantité de chaleur émise par le dôme. Le principe ? Une technologie basée sur la fibre optique, où la fibre, traversée par un laser, sert elle-même de capteur. Ainsi, 1,7 km de fibre optique sera enfoui au sommet pour couvrir l’ensemble de la zone « chaude », ce qui équivaut à pas moins de 3 400 capteurs de température ! En couplant ces mesures thermiques aux mesures chimiques, les scientifiques cherchent à mieux comprendre la dynamique du système hydrothermal. 

Radiographie du dôme

Par ailleurs, certaines techniques innovantes permettent de réaliser une radiographie du sommet. C’est le cas des télescopes à muons, installés tout autour du dôme (les fameux instruments sous les bâches de couleur, que les randonneurs connaissent bien). Les muons sont des particules cosmiques, bombardées en permanence depuis l’espace sur notre planète. Or, ces particules nous arrivent de façon rectiligne et, en plus, traversent plus ou moins bien la matière qu’elles rencontrent. En passant à travers le volcan, puis à travers les télescopes (formés de trois plaques de détecteurs pour reconstruire la trajectoire et l’intensité du rayonnement), les muons permettent de réaliser une radiographie du dôme, comme le font les rayons X en radiologie médicale. Et sur les images en 3D, ce ne sont pas des os que l’on observe, mais « l’intérieur» du dôme, en particulier les zones plus ou moins denses, plus ou moins altérées. Mieux encore, installés de façon permanente, ces télescopes pourraient aider à tracer les variations subtiles dans la dynamique du système hydrothermal. À l’instar d’un malade, notre volcan fait donc l’objet d’une batterie d’examens. Et Roberto Moretti d’ajouter : « Au début d’une maladie, il est parfois difficile pour un médecin d’émettre un diagnostic certain, car on ne sait pas comment elle va évoluer. C’est pareil pour la Soufrière. Il y a une incertitude quant à son évolution… À la différence près qu’elle n’est pas malade. »

Par Lucie Daniel

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